Là-bas

By Vagabonde. - samedi, mai 13, 2017


Dans les abysses du satanisme ce livre nous plongera, les lignes, l’histoire manqueront certainement mais les descriptions flamboyantes s’esquisseront dans un étau d’émotion. C’est une époque, une période, un mouvement, c’est le symbolisme, cette mélancolie qui transparait à chaque réplique, à chaque pensées de Durtal notre personnage principal. Monsieur regrette ce monde antique, ce moyen âge primitif, né à la mauvaise ère, il n’est pas de ceux appréciant le positivisme ambiant, ceux aimant cette révolution, ce progrès. De croyances superficielles se superposent la raison, la médecine, la science. Et pourtant nombreux croient encore, Satan apparait, disparait mais toujours reste pérenne.
Il est drôle de constater que notre période ressemble à celle décrite, cent ans plus tôt par Huysmans, l’écrivain se fait observateur hargneux de cette époque mauvaise, satirique et ironique quant au capitalisme, cet attrait à l’argent, ces mœurs évoluant. De sa plume  il peint un univers en mutation, cible un élément minuscule peut-être mais présent dans la société, ce paradoxe de l’évolution. Nous, spectateur, on assiste à ce changement, on comprend ce phénomène. A la manière de Musset (mon cher et tendre artiste), il annonce un mal du siècle appelé maintenant mélancolie, ce sentiment d’être dépassé, de ne plus appartenir à ce monde qui roule, qui se tourne sur lui-même, mute de siècles en siècles. Cette émotion qui transpire dans ses phrases, bien que le ton, quelques fois, soit léger, on découvre entre les lignes quelques aigreurs amères adressées à son opposé, le naturalisme. Zola se prend des critiques acerbes orchestrées dans une litanie aux sentiments enflammés. Dans le récit, le narrateur possède son personnage, sa voix se mêle à sa voix fictive mais le discours reste le même.
Une colère sournoise dans ses phrases tonne, gronde ; elles s’alternent tantôt dans une poésie macabre quand il raconte l’histoire de Gil de Rais, personnage meurtrier ayant sévi à la fin du XVème siècle, homme compagnon d’arme de la Pucelle Jeanne d’Arc, tantôt dans une explication moderne. Les deux mouvements se chevauchent : l’intériorité de Durtal, ses pensées, ses constatations d’un univers mouvant puis le rêve, l’onirisme lugubre qui se voile, se pare de broderies délicates aux sangs de nombreuses victimes. Les descriptions invitent au voyage assassin, fascinant, car l’homme ensorcelé par De Rais lui rend hommage (de mon humble point de vu). Ainsi on plonge dans l’horreur car les descriptions entourant cette histoire mise en abime retournera peut-être l’âme (je suis douée pour choisir mes lectures) du lecteur, une scène plus spécifiquement se mire dans les yeux des jeunes victimes, alors le lecteur tremble un peu. Quand on s’immerge (il n’est pas facile de plonger dans ce roman cependant), on ressent l’horreur.
Atypique récit, serpent envoutant, j’ai pu constater par une conversation que cette œuvre peut s’interpréter et se ressentir de mille manières différentes, l’un dira que Huysmans étale en confiture sa culture, d’autre tomberont en extase, amour total pour cette innovation littéraire. OVNI ou roman, toujours est-il qu’il interroge, il titille l’esprit du lecteur, sur une société bercée par l’argent naissant nage les douceurs d’un ésotérisme sordide, Dieu disparait, s’efface au profit de son jumeau maléfique. Il prend l’allure d’une femme redoutable, angélique quand elle quémande l’affection, infernale succube, une dualité féminine s’affronte et la féminité se métamorphose en oiseau de bon ou mauvais augure. Le personnage principal obtient un air de bougre dans certains passages, quand mademoiselle réclame une indépendance fictive (il ne faut pas oublier qu’à l’époque, les femmes appartenaient à leur mari), quand elle se montre inatteignable.
Et d’autre gravitent autour de Durtal, des spectres, des figures vivantes, permettant un débat sur l’observation de la société, subterfuge littéraire plaisant qui n’enlève rien à l’intrigue, car d’intrigue il n’y a pas. Ce sont des promenades intérieures, on s’enfonce dans sa psychologie, dans une psyché indépendante, dans l’âme d’un homme en dehors de la société, présent néanmoins et assistant à une nouvelle ère. Là-Bas offre un titre redoutable, à la fois là-bas, ailleurs, à la fois là-bas sous terre ; c’est le sens premier de ce terme qui prend une envolée dantesque, un sens puissant tout au long de la lecture. Une expérience traumatisante dissipée part des moments de sourire face à l’ironie et l’humour spécial qu’il distille, il faut s’accrocher pour comprendre, pour flotter et non se noyer.

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